Dieu (unique)
Dieu, notion de Dieu (God en anglais).
L'éternel combat que se livrent les religions du monde, le Christianisme, le Judaïsme, le Brahmanisme, le Paganisme et le Bouddhisme, provient de cette source unique : La vérité n'est connue que du petit nombre ; les autres, ne voulant pas soulever le voile de leur cœur, s'imaginent qu'il aveugle aussi les yeux de leurs voisins.
Le dieu de toute religion exotérique, y compris le Christianisme, malgré ses prétentions au mystère, est une idole, une fiction et ne peut être autre chose. Moïse, soigneusement voilé, parle aux multitudes endurcies de Jéhovah, la divinité cruelle et anthropomorphique, comme du Dieu très haut, cachant au plus profond de son cœur la vérité "qui ne peut être ni dite ni révélée". Kapila frappe du glaive acéré de ses sarcasmes les Yoguis Brahmanes qui, dans leurs visions mystiques, prétendent voir le TRES HAUT. Gautama Bouddha cache la vérité sous un impénétrable voile de subtilités métaphysiques, et il est regardé par la postérité comme un athée. Pythagore avec son mysticisme allégorique et sa métempsycose est tenu pour un habile imposteur, et l'on dit la même chose d'autres philosophes, comme Apollonius et Plotin, qu'on traite en général de visionnaires, sinon de charlatans. Platon, dont les écrits n'ont jamais été lus par la majorité de nos grands érudits, sinon d'une manière superficielle, est accusé par beaucoup de ses traducteurs d'absurdités et de puérilités, voire même d'ignorance de sa propre langue[1], très probablement parce qu'il a dit, relativement à l'Etre suprême, qu' "une nature de ce genre ne pouvait être définie par des paroles comme les autres choses que l'on peut apprendre"[2], et parce que son Protagoras insiste trop sur les "voiles".
Nous remplirions tout un volume avec les noms des sages méconnus dont les écrits passent généralement pour absurdes, uniquement parce que les critiques matérialistes se sentent incapables de lever les "voiles" qui les couvrent.
Le trait le plus important de ce mystère, en apparence incompréhensible, réside peut-être dans l'habitude invétérée de la majorité des lecteurs, de juger une œuvre sur ses mots et sur les idées insuffisamment exprimées, en laissant son esprit hors de question. Des philosophes appartenant à des écoles diamétralement opposées emploient souvent une multitude d'expressions différentes, dont certaines paraissent obscures et métaphoriques, mais qui sont toutes figuratives et traitent pourtant du même sujet. De même que les innombrables rayons divergents d'un globe de feu, aboutissent tous au même point central, chaque philosophe mystique, qu'il soit un pieux enthousiaste comme Henry More, ou un alchimiste irascible au langage quelque peu trivial, comme son adversaire Eugène Philalèthes, ou un "athée" (!) comme Spinoza, tous ont un seul et même objet en vue... l'HOMME.
C'est Spinoza toutefois qui nous fournit peut-être la clé la plus sûre pour éclaircir une partie de ce secret non écrit. Tandis que Moïse prohibe les "images gravées ou sculptées" de Celui dont le nom ne doit pas être pris en vain, Spinoza va plus loin. Il déclare nettement que l'on ne doit même pas essayer de décrire Dieu. Le langage humain est tout à fait impropre à donner une idée de cet "Etre ?" absolument unique. Que ce soit Spinoza ou la théologie chrétienne qui approche le plus de la vérité, nous laissons au lecteur le soin de juger leurs prémisses et les conclusions qu'ils en tirent. Toute tentative de définition de Dieu aboutit à entraîner une nation à anthropormorphiser la divinité à laquelle elle croit, et le résultat est celui qu'indique Swedenborg.
Au lieu d'établir que Dieu a fait l'homme à son image, nous devrions véritablement dire que l'homme "imagine Dieu à sa ressemblance"[3], en oubliant que c'est à son propre reflet qu'il voue un culte.
(source : "Isis Dévoilée" d'Héléna Blavatsky, II, pp.21-22)