Alaya, du sanscrit. L'Ame Universelle (voir la Doctrine Secrète, Vol. I, p. 29). Ce nom appartient au système tibétain de l'Ecole contemplative Mahâyâna. Identique à Akâśa dans son sens mystique, et à Mûlaprakriti dans son essence, puisque c'est la base ou racine de toutes choses.

(source : "Glossaire Théosophique" d'Héléna Blavatsky)


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STANCE I (9)


§ 9. – Mais où était Dangma lorsque l'Alaya de l'Univers[1] était en Paramârtha[2] et que la grande Roue était Anupâdaka ?

Nous avons ici le sujet qui fit, pendant des siècles, le fond des disputes scholastiques. Les deux termes : "Alaya" et "Paramârtha" ont été la cause d'une foule de discussions dans les écoles et de l'éclatement de la vérité en un plus grand nombre d'aspects que cela n'a été le cas pour d'autres mots mystiques. Alaya est l'Ame du Monde, ou Anima Mundi – la Sur-Ame d'Emerson – qui, selon l'enseignement ésotérique, change périodiquement de nature. Quoique Alaya soit éternelle et sans changement, dans son essence interne sur les plans que ne peuvent atteindre ni l'homme ni même les dieux cosmiques (Dhyâni-Bouddhas), elle change pourtant pendant la période de vie active par rapport aux plans inférieurs, y compris les nôtres. Pendant ce temps, non seulement les Dhyâni-Bouddhas sont un avec Alaya, en Ame et en Essence, mais l'homme même qui est puissant en Yôga (Méditation Mystique) "est capable de plonger son âme avec elle", comme le dit Aryâsanga – de l'école Yôgâchârya. Ce n'est pas le Nirvâna, mais une condition qui en est voisine. De là, le désaccord. Ainsi, pendant que les Yôgâchâryas de l'Ecole Mahâyâna disent qu'Alaya (en tibétain, Nyingpo et Tsang) est la personnification de la Vacuité, et cependant la base de toutes choses visibles et invisibles, et que, quoique éternelle et immuable dans son essence, elle se réfléchit dans chaque objet de l'Univers, "comme la lune dans l'eau claire et tranquille", d'autres écoles contestent cette proposition. De même pour Paramârtha. Les Yôgâchâryas interprètent ce terme comme ce qui dépend aussi d'autres choses (paratantra) et les Madhyamikas disent que Paramârtha est limité à Paranishpanna ou Perfection Absolue c'est-à-dire que, dans l'exposition de ces "Deux Vérités" parmi les quatre, les premiers croient et maintiennent, qu'au moins sur ce plan, il n'existe que Samvritisatya ou la vérité relative et les derniers enseignent l'existence de Paramârthasatya, la Vérité Absolue[3]. "Aucun Arhat, ô mendiants, ne peut atteindre la connaissance absolue avant d'être un avec Paranirvâna. Parikalpita et Paratantra sont ses deux grands ennemis[4]." Parikalpita (en tibétain, Kun-tag) est l'erreur commise par ceux qui sont incapables de réaliser la nature vide et illusoire de tout et qui croient qu'une chose inexistante existe – par exemple le Non-Ego. Et Paratantra, quoi qu'il en soit, est ce qui existe seulement par un lien dépendant ou accidentel, et qui doit disparaître dès que la cause dont il procède a disparu, comme la flamme par rapport à la mèche. Détruisez ou éteignez-la, et la lumière disparaît.

La Philosophie Esotérique enseigne que tout vit et est conscient, mais non que toute vie et toute conscience soient semblables à celles des êtres humains, ou même des animaux. Nous regardons la vie comme la Forme Unique de l'Existence, se manifestant dans ce qu'on appelle Matière ou dans ce que (les séparant à tort) nous nommons, dans l'homme, l'Esprit, l'Ame et la Matière. La matière est le Véhicule pour la manifestation de l'Ame sur ce plan d'existence et sur un plan plus élevé l'Ame est le Véhicule pour la manifestation de l'Esprit, et les trois forment une Trinité synthétisée par la Vie qui les pénètre tous. L'idée de la Vie Universelle est une de ces conceptions anciennes qui, dans ce siècle, sont en train de revenir dans le mental humain comme résultat de sa libération de la Théologie anthropomorphique. Il est vrai que la Science se contente de tracer ou de postuler les signes de cette Vie Universelle et n'a pas encore été assez hardie pour proférer le mot "Anima Mundi" ! L'idée de la "vie cristalline", familière maintenant à la science, aurait été rejetée avec mépris il y a un demi-siècle. Les botanistes cherchent en ce moment les nerfs des plantes, non parce qu'ils supposent que les plantes peuvent sentir et penser comme les animaux, mais parce qu'ils croient qu'une organisation semblable aux nerfs de la vie animale est nécessaire pour expliquer la croissance et la nutrition des végétaux. Il paraît presque impossible que la science se contente du simple usage de termes tels que "force" et "énergie" et tarde plus longtemps à reconnaître que les choses qui ont la vie sont des choses vivantes, qu'elles soient atomes ou planètes.

Mais le lecteur peut demander quelle est la croyance des Ecoles Esotériques intérieures ? Quelles sont les doctrines enseignées sur ce sujet par les "Bouddhistes" Esotériques ? Avec eux, nous répondrons : Alaya a une signification double et même triple. Dans le système Yôgâchârya de l'Ecole Mahâyâna contemplative, Alaya est, en même temps, l'Ame Universelle, Anima Mundi, et le Soi d'un Adepte avancé. "Celui qui est puissant dans le Yôga peut introduire à volonté son Alaya, au moyen de la méditation, dans la vraie nature de l'Existence." "L'Alaya a une existence absolue et éternelle", dit Aryâsanga, le rival de Nâgârjuna[5]. Dans un sens, c'est Pradhâna, qui est définie, dans le Vishnu Purâna, de la façon suivante : "Ce qui est la cause non évoluée est appelé énergiquement, par les sages les plus éminents, Pradhâna, base originelle, qui est Prakriti subtile, c'est-à-dire ce qui est éternel et ce qui, en même temps, est [ou contient ce qui est] et [ce qui] n'est pas, ou n'est qu'un simple processus"[6]. [La cause indiscrète, qui est uniforme, qui est cause et effet, et que ceux qui connaissent les premiers principes appellent Pradhâna et Prakriti, est le Brahmâ inconnaissable qui était avant tout [7]", ce qui veut dire que Brahmâ n'évolue ni ne crée, mais expose seulement des aspects divers de lui-même ; l'un d'eux est Prakriti, aspect de Pradhâna.] "Prakriti", cependant est un mot incorrect, et Alaya expliquerait mieux la chose, car Prakriti n'est pas le "Brahma inconnaissable". C'est la faute de ceux qui ne savent rien de l'universalité des doctrines occultes conservées depuis le berceau des races humaines, c'est surtout des savants qui rejettent l'idée même d'une "révélation primordiale" d'enseigner, à tort, que l'Anima Mundi, la Vie Une ou Ame Universelle a été découverte par Anaxagore ou à son époque. Ce philosophe n'a produit cet enseignement que pour contrebalancer les conceptions trop matérialistes de Démocrite sur la Cosmogonie, conceptions basées sur la théorie exotérique d'atomes mus aveuglément. En fait Anaxagore de Clazomène ne fut pas l'inventeur de la doctrine précitée, mais seulement son vulgarisateur – de même que Platon. Ce qu'il appelait l'intelligence du monde, Nous (Νοϋς), principe qui, selon lui, est absolument séparé et libre de la matière et qui agit avec un but préconçu, était nommé Mouvement, VIE UNE, ou Jivâtmâ, dans l'Inde, longtemps avant le cinquième siècle de l'ère préchrétienne. Mais les philosophes âryens n'ont jamais doué ce principe, qui pour eux est infini de l'attribut "fini" de la "pensée" [8].

(source : "La Doctrine Secrète" d'Héléna Blavatsky, I, pp.26-28)

Notes et références

  1. L'âme, comme base de tout, l'Anima Mundi.
  2. L'Etre Absolu et la Conscience absolue qui sont le Non-Etre Absolu et l'Inconscience Absolue.
  3. "Paramûrthasatya" est la soi-conscience, Svasamvédanâ, la réflexion qui s'analyse – de parama, au-dessus de tout, et artha, compréhension. Satya veut dire l'être absolu et vrai, ou esse. En tibétain, Paramûrthasatya est Don-dampai-denpa. L'opposé de cette réalité absolue est Samvritisatya – la vérité relative seulement – Samvriti signifiant "conception fausse" et étant l'origine de l'illusion, Mâyâ. En Tibétain Kundzab-chi-denpa, "l'apparence qui crée l'illusion".
  4. Aphorismes des Bôddisattvas.
  5. Aryâsanga était un Adepte pré-chrétien il fonda une école bouddhiste ésotérique, quoique Csoma de Korös le place, pour une raison qui lui est personnelle, au VIIème siècle après J.-C. Il y eut un autre Aryâsanga qui vécut pendant les premiers siècles de notre ère, et il est probable que le savant Hongrois confond les deux.
  6. Vishnu Purâna, I, II, p. 20, note.
  7. Vishnu Purâna, Wilson, I, chap. II, p. 21. Cité du Vayu Purana.
  8. Je veux dire ici la soi-conscience finie. Comment, en effet, l'Absolu pourrait-il l'atteindre autrement que comme aspect, le plus haut de ces aspects qui nous soit connu est la conscience humaine ?