Yoga Sutras de Patanjali.

Livre I - Le Problème de l'Union

  1. AUM. (OM). L'enseignement suivant concerne la science de l'union.
  2. Cette union, ou yoga, s'accomplit par la sujétion de la nature psychique et la répression de la chitta (ou mental).
  3. Lorsque cela est accompli le yogi se connaît tel qu'il est en réalité.
  4. Jusqu'ici l'homme intérieur s'est identifié à ses formes et à leurs modifications actives.
  5. Les états mentaux sont au nombre de cinq et sont soumis au plaisir ou à la douleur. Ils sont douloureux ou non douloureux.
  6. Ces modifications (activités) sont la connaissance correcte, la connaissance incorrecte, la fantaisie, la passivité (sommeil) et la mémoire.
  7. La base de la connaissance correcte est la perception correcte, la déduction correcte, et le témoignage correct (ou preuve certaine).
  8. La connaissance incorrecte est basée sur la perception de la forme et non sur l'état de l'être.
  9. La fantaisie repose sur des images qui n'ont pas d'existence réelle.
  10. La passivité (sommeil) est basée sur l'état de quiétude des vrittis (ou sur la non-perception des sens).
  11. La mémoire est le maintien de ce qui a été connu.
  12. La maîtrise de ces modifications de l'organe interne, le mental, doit être réalisée par une tentative inlassable et le non-attachement.
  13. La tentative inlassable est l'effort constant en vue de réfréner les modifications du mental.
  14. Quand la valeur de l'objectif visé est estimée assez haut, et que les efforts pour l'atteindre sont soutenus avec persistance et sans relâche, la stabilité mentale (maîtrise des vrittis) est assurée.
  15. Le non-attachement est la libération de toute convoitise pour tous les objets du désir, qu'ils soient de nature terrestre ou traditionnelle, d'ici-bas ou de l'au-delà.
  16. Le parachèvement de ce non-attachement a pour résultat une connaissance exacte de l'homme spirituel, affranchi des qualités ou gunas.
  17. La conscience d'un objet s'obtient par la concentration sur sa nature quadruple : la forme, par l'examen ; la qualité (ou guna), par la mise en oeuvre du discernement ; le dessein, par l'inspiration (ou la grâce) et l'âme, par l'identification.
  18. Un degré plus avancé de samadhi est réalisé lorsque, par la pensée unifiée, l'activité extérieure est calmée. A ce stade, la chitta n'est sensible qu'aux impressions subjectives.
  19. Le samadhi qui vient d'être décrit ne dépasse pas les limites du monde phénoménal ; il ne va pas au-delà des dieux, ni de ceux qui ont affaire au monde concret.
  20. D'autres yogis réalisent le samadhi et parviennent à différencier l'esprit pur par la croyance suivie de l'énergie, de la mémoire, de la méditation et de la perception juste.
  21. L'accès à ce stade (la conscience spirituelle) est rapide chez ceux dont la volonté est intensément alerte.
  22. Ceux qui emploient la volonté diffèrent également, car son usage peut être intense, modéré ou bénin. En ce qui concerne la réalisation de la véritable conscience spirituelle, il est encore une autre voie.
  23. Par une dévotion intense à Ishvara, la connaissance d'Ishvara est obtenue.
  24. Cet Ishvara est l'âme, insensible aux limitations, exempte de karma et de désir.
  25. En Ishvara (le Gurudeva), le germe de toute connaissance se développe à l'infini.
  26. Ishvara (le Gurudeva) n'étant pas limité par des conditions temporelles, est l'instructeur des seigneurs primordiaux.
  27. Le mot d'Ishvara est AUM (ou OM). C'est là le pranava. (voir Livre I, sutra 1)
  28. L'émission du mot et la réflexion sur sa signification font trouver la voie.
  29. De là provient la réalisation du soi (l'âme) et l'élimination de tous les obstacles.
  30. Les obstacles à la connaissance de l'âme sont l'invalidité du corps, l'inertie mentale, l'interrogation irrationnelle, la négligence, la paresse, la non impassibilité, la perception erronée, l'inaptitude à la concentration, l'échec dans le maintien de l'attitude méditative après qu'elle a été réalisée.
  31. La douleur, le désespoir, l'activité corporelle inopportune et la mauvaise direction (ou mauvais contrôle) des courants vitaux résultent de la présence d'obstacles dans la nature psychique inférieure.
  32. Pour surmonter les obstacles et leurs suites, une application intense de la volonté à quelque vérité (ou principe) unique est exigée.
  33. La paix de la chitta (ou substance mentale) peut être réalisée par l'exercice de la sympathie, de la tendresse, de la fermeté d'intention et de l'absence de passion à l'égard du plaisir et de la douleur, comme envers toutes formes de bien ou de mal.
  34. La paix de la chitta peut également être obtenue par la régulation du prana ou souffle vital.
  35. Le mental peut être exercé à la stabilité au moyen des modes de concentration se rapportant aux perceptions des sens.
  36. Par la méditation sur la lumière et sur le rayonnement, la connaissance de l'esprit peut être atteinte et la paix peut par là être obtenue.
  37. La chitta est stabilisée et libérée de l'illusion lorsque la nature inférieure est purifiée et cesse d'être prise en considération.
  38. La paix (stabilité de la chitta) peut être atteinte par la méditation sur la connaissance que donnent les rêves.
  39. La paix peut aussi être atteinte par la concentration sur ce qui est le plus cher au coeur.
  40. La réalisation s'étend aussi de l'infiniment petit à l'infiniment grand ; et, d'annu (l'atome ou point) à atma (ou esprit), sa connaissance est parachevée.
  41. Celui dont les vrittis (modifications de la substance mentale) sont entièrement maîtrisés aboutit à un état d'identité et de similitude avec ce dont il est pris conscience. Le connaisseur, la connaissance et le champ de connaissance deviennent un, tout comme le cristal absorbe en lui les couleurs de ce qui, en lui, se reflète.
  42. Quand celui qui perçoit amalgame le mot, l'idée (ou signification) et l'objet, cela est appelé la condition mentale d'un raisonnement critique.
  43. La perception sans raisonnement critique s'obtient quand, la mémoire n'exerçant plus son autorité, le mot et l'objet sont dépassés et que l'idée seule est présente.
  44. Ces deux mêmes processus de concentration, avec ou sans activité du mental critique, peuvent également s'appliquer aux choses subtiles.
  45. Ce qui est grossier conduit à ce qui est subtil et ce qui est subtil conduit, par degrés progressifs, à l'état de pur être spirituel appelé pradhana.
  46. Tout cela constitue la méditation avec semence.
  47. Lorsque cet état hyper-contemplatif est atteint, le yogi arrive à la pure réalisation spirituelle par le calme équilibré de la chitta (ou substance mentale).
  48. Sa perception est maintenant infailliblement exacte. (ou : son mental ne révèle plus que la vérité).
  49. Cette perception particulière est unique et révèle ce que le mental rationnel (usant de témoignages, d'induction et de déduction) ne peut révéler.
  50. Elle est adverse à toutes autres impressions ou s'y substitue.
  51. Quand cet état de perception est à son tour également rejeté (ou supplanté), le pur samadhi est alors réalisé.

Livre II - Les Degrés conduisant à l'Union

  1. Le yoga de l'action, conduisant à l'union avec l'âme, est aspiration ardente, lecture spirituelle et dévotion à Ishvara.
  2. Le but de ces trois questions est de provoquer la vision de l'âme et d'éliminer les obstructions.
  3. Voici les obstacles producteurs de difficultés : avidya (l'ignorance) et le sens du désir de la personnalité, la haine et le sens de l'attachement.
  4. Avidya (l'ignorance) est la cause de toutes les autres obstructions, qu'elles soient latentes, en voie d'élimination, surmontées, ou pleinement opérantes.
  5. Avidya est l'état où se confondent le permanent, le pur, le béni et le soi avec ce qui est impermanent, impur, douloureux et le non-soi.
  6. Le sens de la personnalité est imputable à l'identification de celui qui connaît avec les instruments de la connaissance.
  7. Le désir est l'attachement aux objets de plaisir.
  8. La haine est l'aversion pour quelque objet des sens.
  9. Un intense désir pour l'existence sensible constitue l'attachement. Il est inhérent à toute forme ; il se perpétue et il est connu même des très sages.
  10. Lorsque ces cinq obstacles sont subtilement connus, ils peuvent être surmontés par une attitude mentale opposée.
  11. Leurs activités doivent être éliminées par le processus de la méditation.
  12. Le karma lui-même a sa racine dans ces cinq obstacles et doit porter ses fruits en cette vie ou en quelque vie ultérieure.
  13. Tant que les racines (ou samskaras) existent, leurs fruits seront la naissance, la vie, et les expériences d'ou résultent plaisir ou douleur.
  14. Ces graines (ou samskaras) sont productrices de plaisir ou de douleur, selon que le bien ou le mal ait été leur cause originelle.
  15. Pour l'homme illuminé toute existence (dans les trois mondes) est considérée comme douloureuse en raisons des activités des gunas. Ces activités sont triples, produisant des conséquences, de l'anxiété et des impressions subliminales.
  16. On peut se garder de la douleur qui est encore à venir.
  17. L'illusion faisant de celui qui perçoit et de ce qui est perçu une seule et même chose est la cause (des effets produisant la douleur) dont il faut se garder.
  18. Ce qui est perçu a trois qualités, sattva, rajas et tamas (rythme, mobilité et inertie). Ce sont les éléments et organes des sens. Leur usage produit l'expérience et la libération finale.
  19. Les divisions des gunas (ou qualités de la matière) sont au nombre de quatre : spécifique, non spécifique, indiquée et insaisissable.
  20. Le voyant est pure connaissance (gnosis). Bien que pur il considère, par l'intermédiaire du mental, l'idée offerte.
  21. Tout ce qui est, existe pour le bénéfice de l'âme.
  22. Pour l'homme qui a réalisé le yoga (ou union) l'univers objectif a cessé d'être. Cependant il continue d'exister pour ceux qui ne sont pas encore libres.
  23. L'association de l'âme avec le mental et, de ce fait, avec ce que perçoit le mental, provoque une compréhension de la nature de ce qui est perçu, ainsi que de celui qui perçoit.
  24. La cause de cette association est l'ignorance, ou avidya. Cela doit être surmonté.
  25. Quand l'ignorance prend fin par l'absence d'association avec les choses perçues, cela constitue la grande libération.
  26. L'état d'asservissement est surmonté par une discrimination parfaitement maintenue.
  27. La connaissance (ou illumination) réalisée est septuple et progressivement atteinte.

Les Huit Moyens

28. Lorsque les moyens de yoga ont été pratiqués avec constance et que l'impureté a été surmontée, la clarté se fait, menant vers les hauteurs de l'illumination totale.
29. Les huit moyens de yoga sont : les commandements ou yama, les règles ou nijama, la posture ou asana, le contrôle correct de la force vitale ou pranayama, le transfert ou pratyahara, l'attention ou dharana, la méditation ou dhyana et la contemplation ou samadhi.

Moyen I. Les Commandements

30. L'innocuité, la vérité envers tous les êtres, l'abstention de vol, d'incontinence et d'avarice, constituent yama ou les cinq commandements.
31. Yama (ou les cinq commandements) constitue le devoir universel, sans considération de race, lieu, temps ou circonstances.

Moyen II. Les Règles

32. La purification interne et externe, le contentement, l'ardente aspiration, la lecture spirituelle et la dévotion à Ishvara constituent nijama (ou les cinq règles).
33. Quand des pensées contraires au yoga sont présentes, il faudrait cultiver celles qui leur sont opposées.
34. Les pensées contraires au yoga sont le comportement nuisible, la fausseté, le vol, l'incontinence et l'avarice, commis tant personnellement qu'incités à être commis ou approuvés ; qu'ils surgissent à la suite de l'avarice, de la colère ou de l'erreur (ignorance) ; que la faute soit légère, moyenne ou grande. Il en résulte toujours une douleur et une ignorance extrêmes. Pour cette raison, les pensées contraires doivent être cultivées.
35. En présence de celui qui a perfectionné l'innocuité toute inimitié cesse.
36. Quand la vérité à l'égard de tous les êtres a atteint son point de perfection, l'efficacité de ses paroles et de ses actes devient manifeste.
37. Quand l'abstention de vol atteint son point de perfection, le yogi peut obtenir tout ce qu'il désire.
38. Par l'abstention d'incontinence l'énergie est acquise.
39. Quand l'abstention d'avarice atteint son point de perfection il s'ensuit une compréhension de la loi de renaissance.
40. La purification interne et externe provoque l'aversion pour la forme ; pour la forme de soi-même comme pour toutes les formes.
41. La purification suscite aussi un esprit calme, la concentration, la conquête des organes et l'aptitude à discerner le soi.
42. Résultant du contentement, la béatitude est réalisée.
43. D'une aspiration ardente, et de la suppression de toute impureté, résulte le perfectionnement des sens et des pouvoirs corporels.
44. De la lecture spirituelle résulte un contact avec l'âme (ou "un" divin).
45. Par la dévotion à Ishvara le but de la méditation (ou samadhi) est atteint.

Moyen III. Posture

46. La posture adoptée doit être stable et aisée.
47. La stabilité et l'aisance de la posture se réalisent grâce à un effort léger et soutenu, et par la concentration du mental sur l'infini.
48. Quand cela est atteint, les couples de contraires ne font plus obstruction.

Moyen IV. Pranayama

49. Quand la posture (asana) correcte a été réalisée, elle est suivie d'une maîtrise correcte du prana et d'un processus approprié d'inspiration et expiration du souffle.
50. La maîtrise correcte du prana (ou des courants vitaux) est externe, interne ou immobile ; elle est subordonnée au lieu, au temps et au nombre et elle est aussi prolongée.
51. Il y a un quatrième stade qui surpasse ceux dans lesquels il est question des phases interne et externe.
52. Grâce à cela, ce qui obscurcit la lumière disparaît graduellement.
53. Et le mental est préparé à la méditation concentrée.

Moyen V. Le Transfert

54. Le transfert (ou pratyahara) est l'asservissement des sens par le principe pensant et leur retrait hors de ce qui fut jusqu'ici leur objet.
55. Comme résultat de ces moyens, il s'ensuit la complète soumission des organes sensoriels.

Livre III - L'Union réalisée et ses résultats

1. La concentration consiste à fixer la chitta (substance mentale) sur un sujet particulier. Ceci est dharana.
2. La concentration soutenue (dharana) est la méditation (dhyana).
3. Quand la chitta s'absorbe en ce qui est la réalité (ou l'idée enclose dans la forme) et n'a plus conscience ni d'une séparation ni du soi personnel, il s'agit de la contemplation ou samadhi.
4. Quand la concentration, la méditation et la contemplation constituent un acte continu, sanyama est alors réalisé.
5. Résultant de sanyama s'ensuit le rayonnement de la lumière.
6. Cette illumination est graduelle ; elle se développe stade après stade.
7. Ces trois derniers moyens de yoga ont un effet subjectif plus intérieur que les précédents moyens.
8. Ces trois-là, cependant, sont eux-mêmes externes au regard de la véritable méditation sans semence (ou samadhi) qui ne se base pas sur un objet. Celle-ci est libérée des effets de la nature séparatrice de la chitta, (ou substance mentale).
9. La séquence des états mentaux se déroule comme suit : le mental réagit à ce qui est vu ; il s'ensuit alors la phase de la maîtrise mentale ; puis vient la phase ou la chitta (substance mentale) réagit à ces deux facteurs. Ceux-ci finalement disparaissent et la conscience qui perçoit se donne libre cours.
10. Cette habitude mentale étant cultivée, il s'ensuivra une stabilité de la perception spirituelle.
11. Le fait de contracter cette habitude et de soustraire le mental à sa tendance à construire des formes-pensées, a pour résultat final un pouvoir constant de contemplation.
12. Quand la maîtrise du mental et le facteur maîtrisant sont en condition d'équilibre réciproque, il s'ensuit un état de fixité sur un seul point.
13. Par ce processus les aspects de chaque objet sont connus ; leurs caractéristiques (ou leur forme), leur nature symbolique et leur usage spécifique selon les conditions du temps (stades de développement) sont connues et il en est pris conscience.
14. Les caractéristiques de chaque objet sont, ou acquises, ou manifestées, ou latentes.
15. Le stade de développement conditionne les diverses modifications de la nature psychique versatile et du principe pensant.
16. La méditation concentrée sur la triple nature de chaque forme amène la révélation de ce qui a été et de ce qui sera.
17. Le son (ou mot), ce qu'il désigne (l'objet) et l'essence spirituelle (ou idée) qui y est incorporée, sont généralement confondus dans le mental de celui-qui-perçoit. Par la méditation concentrée sur ces trois aspects survient la compréhension (intuitive) du son émis par toutes les formes de vie.
18. La connaissance des incarnations précédentes devient accessible quand le pouvoir de voir des images-pensées est acquis.
19. Grâce à la méditation concentrée, les images-pensées dans le mental d'autrui deviennent apparentes.
20. Quoi qu'il en soit, comme l'objet de ces pensées n'est pas apparent pour celui-quipercoit, il ne voit que la pensée et non l'objet. Sa méditation exclut ce qui est tangible.
21. Par la méditation concentrée sur la différence entre la forme et le corps, les propriétés du corps qui le rendent visible à l'oeil humain sont abolies (ou retirées) et le yogi peut se rendre invisible.
22. Le karma (ou effets) est de deux sortes : le karma immédiat, ou le karma futur. Grâce à la méditation parfaitement concentrée sur l'un et l'autre, le yogi connaît la teneur de son expérience dans les trois mondes. Cette connaissance provient aussi de signes.
23. L'union avec autrui doit être réalisée par une méditation concentrée sur les trois états du sentiment : la compassion, la tendresse et l'impassibilité.
24. La méditation exclusivement centrée sur la vigueur de l'éléphant éveillera cette force, ou lumière.
25. De la méditation parfaitement concentrée sur la lumière éveillée résultera la conscience de ce qui est subtil, caché ou distant.
26. De la méditation, fixée sans défaillance sur le soleil, s'ensuivra la conscience (ou la connaissance) des sept mondes.
27. Une connaissance de toutes les formes lunaires survient par la méditation fixée sur la lune.
28. La concentration sur l'étoile polaire donnera la connaissance des orbites des planètes et des étoiles.
29. De l'attention concentrée sur le centre appelé plexus solaire, s'ensuit la connaissance parfaite quant à la condition du corps.
30-31. L'attention étant fixée sur le centre de la gorge, il s'ensuivra la suppression de la faim et de la soif. Par l'attention fixée sur le conduit ou nerf situé au-dessous du centre de la gorge, l'équilibre est atteint.
32. Ceux qui ont atteint la maîtrise de soi peuvent être vus et il peut être pris contact avec eux par la convergence de la lumière dans la tête. Ce pouvoir se développe par la méditation concentrée.
33. Toutes choses peuvent être connues dans la vive lumière de l'intuition.
34. L'entendement de la conscience mentale vient par la méditation concentrée sur le centre du coeur.
35. L'expérience (des couples de contraires) provient de l'inaptitude de l'âme à distinguer entre le soi personnel et le purusha (ou esprit). Les formes objectives existent en vue de l'utilisation (et expérience) de l'homme spirituel. Par la méditation sur ce fait survient la perception intuitive de la nature spirituelle.
36. Résultant de cette expérience et de cette méditation, l'ouïe, le toucher, la vue, le goût et l'odorat supérieurs se développent, produisant la connaissance intuitive.
37. Ces pouvoirs sont des obstacles à la prise de conscience supérieure, mais s'utilisent en tant que pouvoirs magiques dans les mondes objectifs.
38. Par la libération à l'égard des causes de servitude grâce à leur affaiblissement, et par la compréhension du mode de transfert (retrait ou pénétration), la substance mentale (ou chitta) peut entrer dans un autre corps.
39. La vie montante (l'udana) étant subjuguée, il y a libération à l'égard de l'eau, du sentier épineux et du bourbier ; le pouvoir d'ascension est ainsi acquis.
40. Par la sujétion du samana, l'étincelle devient la flamme.
41. Au moyen de la méditation concentrée sur la relation entre l'akasha et le son, un organe d'ouïe spirituelle se développera.
42. Par la méditation concentrée sur la relation existant entre le corps et l'akasha, l'ascension hors de la matière (les trois mondes) et le pouvoir de voyager dans l'espace sont acquis.
43. Lorsque ce qui voile la lumière est éliminé, un état d'être survient alors, qualifié d'extracharnel (ou incorporel) et libéré des modifications du principe pensant. C'est l'état d'illumination.
44. La méditation concentrée sur les cinq formes qu'assume chaque élément, produit la maîtrise sur chaque élément. Ces cinq formes sont la nature grossière, la forme élémentale, la qualité, l'infiltration et la raison d'être fondamentale.
45. Par cette maîtrise le pouvoir d'exiguïté et les autres siddhis (ou pouvoirs) sont atteints, ainsi que la perfection corporelle et l'affranchissement de toutes entraves.
46. La symétrie de la forme, la beauté de la couleur, la force et la dureté du diamant, constituent la perfection corporelle.
47. La maîtrise sur les sens s'obtient par la méditation concentrée sur leur nature, leurs attributs particuliers, l'égoïsme, la capacité d'infiltration et le but utile.
48. Résultant de cette perfection survient une rapidité d'action semblable à celle du mental, la perception indépendante des organes et la maîtrise sur la substance racine.
49. L'homme qui peut faire une discrimination entre l'âme et l'esprit atteint la suprématie sur toutes conditions et devient omniscient.
50. Par l'attitude impassible à l'égard de cette réalisation et à l'égard de tous les pouvoirs de l'âme, celui qui s'est délivré des semences de la servitude atteint l'état d'unité isolée.
51. Il devrait y avoir refus total de toutes les séductions de toutes les formes de l'être, même des formes célestes, car une récidive des mauvais contacts reste possible.
52. La connaissance intuitive se développe par l'usage de la faculté de discriminationlorsqu'il y a concentration totale sur les moments et leur succession continue.
53. De cette connaissance intuitive est née la capacité de distinguer (entre tous les êtres) et de s'instruire de leurs genres, de leurs qualités et de leur situation dans l'espace.
54. Cette connaissance intuitive, qui est la grande libératrice, est omniprésente et omnisciente et inclut le passé, le présent et le futur dans l'éternel maintenant.
55. Quand les formes objectives et l'âme ont atteint une condition d'égale pureté, l'unification est alors réalisée et la libération en résulte.

Livre IV - L'Illumination

1. Les siddhis ou pouvoirs supérieurs et inférieurs s'acquièrent par l'incarnation, ou par les drogues. Les mots de pouvoir et le désir intense, ou par la méditation.
2. Le transfert de la conscience, d'un véhicule inférieur à un véhicule supérieur, fait partie du grand processus créateur et évolutif.
3. Les pratiques et méthodes ne sont pas la vraie cause du transfert de la conscience, mais elles servent à écarter les obstacles, tout comme le laboureur prépare le sol pour les semailles.
4. La conscience de "je suis" est à l'origine de la création des organes à travers lesquels le sens de l'individualité est une cause de jouissance.
5. La conscience est une, mais produit cependant les formes variées du nombre.
6. Parmi les formes assumées par la conscience, ce qui est le résultat de la méditation est seul affranchi du karma latent.
7. Les activités de l'âme libérée sont affranchies des couples de contraires. Celles des autres gens sont de trois sortes.
8. De ces trois sortes de karma émergent les formes nécessaires à la maturation des effets.
9. Il y a identité de réciprocité entre la mémoire et l'effet producteur de cause, même lorsqu'ils sont séparés par l'espèce, le temps et le lieu.
10. Le désir de vivre étant éternel, ces formes créées par le mental sont sans commencement connu.
11. Ces formes sont créées et gardées en état de cohésion par le désir, la cause fondamentale, la personnalité, le résultat effectif, la vitalité mentale ou volonté de vivre et le support de la vie ou de l'objet dirigés vers l'extérieur ; en conséquence, lorsque ceux-ci cessent d'exercer une attirance, alors les formes, elles aussi, cessent d'être.
12. Le passé et le présent existent en réalité ; la forme assumée dans le concept temporel du présent est le résultat du développement de certaines caractéristiques et elle contient en elle les semences latentes de la qualité future.
13. Les caractéristiques, qu'elles soient latentes ou actives, participent de la nature des trois gunas (les trois qualités de la matière).
14. La manifestation de la forme objective est due à la concentration sur un seul point de la cause productrice (l'unification des modifications de la chitta ou substance mentale).
15. Ces deux choses : la conscience et la forme, sont distinctes et séparées ; bien que les formes puissent être semblables, la conscience peut fonctionner sur différents niveaux de l'être.
16. Les nombreuses modifications du mental unique produisent les formes diverses, dont l'existence dépend de ces nombreuses impulsions mentales.
17. Ces formes sont connues ou non, selon les qualités latentes de la conscience qui les perçoit.
18. Le seigneur du mental, celui qui perçoit, est toujours conscient de la substance mentale constamment active, la cause productrice d'effets.
19. Comme il peut être vu ou connu, il est évident que le mental n'est pas la source de l'illumination.
20. Il ne peut pas non plus connaître simultanément deux objets : lui-même et ce qui est extérieur à lui-même.
21. S'il est dit que la connaissance du mental (chitta) peut être le fait d'un mental se tenant à l'écart, ce postulat implique un nombre infini de "connaissants" ; l'enchaînement des réactions du souvenir irait ainsi vers une confusion sans fin.
22. Quand l'intelligence spirituelle, qui se tient seule et libérée des objets, se reflète dans la substance mentale, il s'ensuit alors la connaissance consciente du soi.
23. Alors la substance mentale, reflétant à la fois le connaissant et le connaissable, devient omnisciente.
24. La substance mentale également, reflétant, comme elle le fait, une infinité d'impressions mentales, devient l'instrument du soi et agit en tant qu'agent unificateur.
25. L'état d'unité isolée (retirée en la vraie nature du soi) constitue la récompense de l'homme qui peut faire une distinction entre la substance mentale et le soi, ou homme spirituel.
26, 27, 28. Le mental est alors enclin à la discrimination et à une illumination croissante considérée comme la véritable nature du soi unique. Cependant, par la force de l'habitude, le mental percevra des objets ressortissant à la perception sensorielle. Ces reflets sont par nature des obstacles et la méthode à employer pour les surmonter est la même.
29. L'homme qui développe le non-attachement, même en ce qui concerne son aspiration après l'illumination et l'état d'unité isolée, devient finalement conscient du nuage adombrant de la connaissance spirituelle.
30. Quand ce stade est atteint, les obstacles et le karma sont alors surmontés.
31. Quand, par l'élimination des obstacles et la purification des enveloppes, la totalité de la connaissance est devenue accessible, il ne reste à l'homme rien de plus à faire.
32. Les modifications de la substance mentale (ou qualités de la matière) ont pris fin au moyen de la nature inhérente aux trois gunas, car elles ont réalisé leur dessein.
33. Le temps, qui est la succession des modifications du mental, prend fin également pour faire place à l'éternel maintenant.
34. L'état d'unité isolée devient possible lorsque les trois qualités de la matière (les trois gunas ou pouvoirs de la nature, A.A.B.) abandonnent leur emprise sur le soi. La pure conscience spirituelle se retire dans l' "Un".